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Confiné dans moins de 30m2

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Comme beaucoup de parisiens, j’habite dans moins de 30m2, le minimum légal étant de 9m2, en France.

L’annonce du confinement du 16 Mars 2020, vrai coup de tonnerre, a donc eu pour moi un double effet: celui de m’amener à renoncer pendant un temps indéterminé aux loisirs et sports qui m’extraient du quotidien, mais également de me résoudre au fait que durant cette période, j’allais juger de la viabilité de mon appartement.

Cette exiguïté dans le confinement est le lot de beaucoup de Franciliens et de  parisiens, qui comme moi n’ont pas eu, par manque de temps, de moyens ou par peur de contaminer leurs proches, la possibilité d’abandonner leur dortoir de fortune.

On peut également y voir un révelateur flagrant d’un fossé social plus que jamais profond, entre une classe aisée dans des logements spacieux et des classes d’ouvriers et de jeunes actifs (et moins jeunes) mal rémunérés, qui n’ont aucune facilité d’accès à des logements de qualité, toujours plus chers et soumis à des garanties de loyers impayés indécentes.

Le 08 octobre 2019, la Fondation L’abbé Pierre révélait les résultats de son enquête portant sur le mal logement en Île-de-france. Sur les 4 millions de personnes mal logées en France, 1,2 million vivent en Île-de-France.


“Alors que les Franciliens gagnent 26% de plus que les autres Français, leur loyer est 52% plus élevé”                         Le Parisien, octobre 2019


Cela a pour conséquence, la prise d’assaut des logements les moins chers, qui n’offrent que trop rarement les conditions d’espaces de vie désirées.

Ma place dans ces statistiques est assez nuancée, ne me considérant pas être dans un cas critique de mal-logement. Mon appartement est orienté Nord-Ouest, ce qui me laisse profiter de biais du coucher du soleil, mon séjour et ma cuisine sont ventilés naturellement et la partition de mon appartement m’évite à moitié les paranoïas claustrophobiques d’une pièce unique et figée. Mais qu’est-ce qu’un bon logement aujourd’hui et quel regard porter sur la situation actuelle ?

L'orientation au Nord des pièces à vivre

Un des principaux critères qui conditionne l’appréciation d’un espace est sa luminosité. Une pièce dans laquelle on est ébloui peut rapidement faire fuir, pour éviter migraines et insolations. De même, une pièce trop sombre n’est propice à aucune activité, hormis le coucher. S’assurer d’une bonne orientation du logement est donc primordial pour sa santé mentale et physique. L’orientation Sud assure un ensoleillement optimal, à condition qu’elle s’accompagne de dispositifs de filtrage de la lumière. Mais bien sûr, comme on peut s’en douter, ce n’est pas cette orientation qui est préférée par les promoteurs.  Dans une recherche effrénée d’économie, c’est une flopée de boîtes sombres, non traversantes, mono orientées Nord ou Nord-Ouest pour les plus chanceux, que l’on retrouve dans la capitale.

Aucun balcon ni jardin

Ne disposer que de 12m2 pour se dégourdir les jambes, manger, se divertir, dormir, fait prendre conscience du caractère essentiel d’un accès à l’extérieur. En plus de nous aérer, l’extérieur agrandit notre perception de notre lieu de vie, repoussant ses limites physiques. Les balcons devraient être rendus obligatoires, être optionnellement associés à des terrasses partagées, pour favoriser les interactions avec nos voisins, car même avec la distanciation sociale, on doit continuer à échanger pour ne pas devenir fou ! Le balcon nous reconnecte à l’extérieur, c’est un espace sensoriel nécessaire pour respirer l’air, faire pousser nos plantes, ou se recharger en vitamine D.  Rester confiné sans balcon ni terrasse c’est se priver de cette aération.  C’est encore pire lorsqu’on a un animal de compagnie, bien que nos petits compagnons aient un rôle clé en ce moment. Petite parenthèse, ma solidarité va à tous les chiens épuisés des balades forcées.

Pas de ventilation naturelle

Lorsqu’on ne dispose pas de balcon, on peut au moins espérer avoir des fenêtres. La RT2012, Réglementation thermique, impose une surface vitrée minimum supérieure ou égale à 1/6ème de la surface habitable. C’est le minimum pour une ventilation efficace, car qui dit mauvaise ventilation, dit humidité et conséquences graves sur notre santé. Toutefois, il n’est pas illégal d’avoir une cuisine ou une douche sans fenêtre ; C’est un vrai problème qui conduit à une raréfaction de lumière naturelle dans ces pièces à Paris. On retrouvera par contre sans difficulté, des VMC grinçantes, encrassées par les précédents locataires  et difficiles d’accès, sauf lorsque l’on est cascadeur.

Des petites pièces non fonctionnelles

Petit ne doit pas vouloir dire non fonctionnel. Un appartement, peu importe sa taille, doit permettre de se mouvoir sans enjamber ses affaires et d’avoir l’espace suffisant pour stocker ses vêtements, sans qu’ils ne nous tombent dessus. La maximisation de ces rangements n’est possible que si tous les recoins de l’appartement sont exploités. Une grande hauteur sous plafond, en plus de favoriser la luminosité, est un facteur de taille dans l’optimisation du stockage. Celle de mon appartement avoisine les 2.70m, ce qui a permis l’installation de rangements en hauteur. Il y a donc peu de rangements au sol, cela réduit considérablement la sensation d’oppression. Plus le logement est exigu et mal configuré, plus ces dispositifs sont difficiles à mettre en œuvre.

En conclusion, la crise à laquelle nous faisons face actuellement, nous confronte aux problématiques du mal logement, certains la vivent plus durement que d’autres, ce qui renforce les inégalités sociales, et laissera indubitablement des séquelles mentales et physiques indélébiles. Malgré quelques opérations de logements qui donnent de l’espoir (les 32 logements collectifs à Dijon de Sophie Delhay, les 49 logements sociaux à Montlouis-sur Loire), nous sommes encore envahis de grosses machines en béton ; certaines recouvertes de verdure pour le marketing green-washé, qui ne laissent aucune place aux habitants. Tels des pions sans individualités, ils seront entassés dans des appartements mal orientés, avec une fenêtre, car de toute façon le soleil importe peu, seule la plastique compte. Avec la loi Élan, votée à l’Assemblée Nationale le 12 juin 2018, la part belle est encore faite aux vautours de l’immobilier, les bailleurs sociaux sortent du cadre vertueux de la loi de la Maîtrise d’Ouvrage Publique, au détriment de la qualité de vie du locataire. Et si nous arrêtions enfin cette obsession de la mécanisation et du matérialisme, pour explorer des formes plus universelles qui reconnectent l’Architecture à ses utilisateurs ?

Nous ne sommes pas tous égaux pour produire des ouvrages d’exception, mais nous disposons tous d’outils nous permettant d’établir un langage commun avec l’habitant.

Il est temps que les Maîtres d’ouvrage prennent enfin leurs responsabilités et que le cadre réglementaire des logements soit réévalué, pour que l’habitant ait enfin droit à la dignité qu’il mérite.

 

Je vous partage juste en dessous le témoignage d’un Parisien vivant dans un appartement de 14m2. N’hésitez pas à partager l’article et à commenter, si vous aussi vous vivez le maxi confinement des micro appartements ! Bon courage à tous.

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