Les dessous des panneaux solaires
Chose promise, chose due. Lors de mon dernier article, j’avais évoqué un focus ultérieur sur les énergies renouvelables et l’autonomie énergétique. Nous commençons cette série d’articles aujourd’hui avec le cas des panneaux solaires. Produit phare des campagnes de transition énergétique, les panneaux photovoltaïques posent encore bien des questions, tant sur leur coût que sur leur capacité réelle à réduire notre empreinte carbone. Mais qu’en est-il vraiment ?
En 1972, l’Américain Dennis Meadows expose à travers un rapport scientifique les limites de la croissance, une exploitation infinie de ressources dans un monde fini est impossible. Cela conduit à conceptualiser la notion de développement durable. Mais en 2012, le scientifique explique lors d’une conférence, que la situation actuelle est trop critique pour que ce développement durable puisse encore être appliqué. La gestion irresponsable des ressources terrestres est à son paroxysme. S’impose alors le principe de résilience, pour absorber les conséquences de cette crise.
Laetitia Fontaine, directrice du centre de ressources pédagogique Atelier Matières à Construire (Amaco), distingue deux types d’écologie résultant du principe de résilience :
L’Écologie de réparation : Elle consiste à trouver des solutions réparatrices des préjudices écologiques à partir du système qui les a générés. Elle crée donc une course à la technicité pour produire des énergies renouvelables et une exploitation importante des ressources naturelles, au détriment de la relation entre homme et environnement.
L’Écologie de fondation : Elle conduit à un changement de paradigme économique et social. Cela se caractérise par la restauration du lien entre l’homme et l’environnement et la recherche de solutions naturelles respectueuses de l’environnement. Cette écologie induit autonomie et s’inscrit dans une économie circulaire.
Du fait de leur haute technicité et des matières qu’ils nécessitent pour leur fabrication, les panneaux solaires tendent fortement à s’inscrire dans une écologie de réparation. Mais pour mieux catégoriser ce système, il est important de s’attarder sur ses caractéristiques.
La composition des panneaux solaires
Un panneau photovoltaïque c’est l’association de composants électroniques formants des cellules, enveloppés d’une couche de verre pour les protéger des chocs et des intempéries. Les cellules sont constituées d’un matériau semi-conducteur, il s’agit en général de silicium extrait du sable ou du quartz. Le silicium peut être :
- Amorphe, c’est le cas de l’écran des calculatrices (rendement de 10%) ;
- Monocristallin, il est obtenu après refroidissement, le silicium forme ainsi un bloc (rendement de 15%) ;
- Polycristallin, il est obtenu à partir d’un refroidissement plus lent que le monocristallin (rendement de 10%).
Impact environnemental de la fabrication
Comme on peut le voir dans leur composition, les panneaux photovoltaïques nécessitent des composants électroniques. Certains éléments sont utilisés pour augmenter le rendement des panneaux en améliorant la conductivité du silicium. La présence de métaux rares parmi ces composants interpelle, quand on sait qu’avec l’essor de la filière photovoltaïque, la demande en matières premières ne cessera d’augmenter.
Dans le cas des téléphones par exemple, l’exploitation de ces minerais engendre des conséquences désastreuses sur divers plans:
- Environnementales, du fait des conditions d’extraction des ressources ;
- Sociales, à travers l’absence de couverture sociale et le travail des enfants travaillant illégalement dans les pays dits sous-développés ;
- Géopolitiques, en créant et en alimentant des foyers de tensions et de conflits, notamment en Afrique, lieu majeur d’extraction des minerais rares. Toutefois, les technologies photovoltaïques recourant aux métaux rares restent heureusement minoritaires, moins de 10% du marché, on les retrouve principalement dans les équipements servant à assurer production, contrôle et maintenance des panneaux.
« En Chine, en plus des bas salaires et des conditions de travail extrêmes, des scandales de rejets massifs dans l’atmosphère de poudre de silicium (matière première de la cellule photovoltaïque, disponible en abondance), et de pollution causée par les opérations de raffinage du silicium ont été dénoncés et documentés au cours des dix dernières années. » , en l’occurrence par Greenpeace.
On dérive ainsi dans une délocalisation de la pollution et dans certains cas, un accaparement par des multinationales de terres contenant les minerais recherchés.
Recyclage
La filière du recyclage des panneaux solaires s’est bien développée ces dernières années. Au bout de 25 ans (80% de leur puissance initiale est garantie pendant 25 ans) et bientôt « 50 ans et plus » selon l’association PV Cycle, les panneaux solaires sont recyclables entre 95 et 99%. Les fabricants ont l’obligation de reprendre gratuitement les équipements en fin de vie et de participer financièrement à la collecte et au recyclage.
Les possibilités de recyclage sont facilitées par la présence du verre à 75%, matériau aisément recyclable. On retrouve également un film plastique en EVA (Ethylène-Acétate de Vinyle) qui peut être transformé. Quant aux cellules en silicium et composants métalliques, ils sont séparés chimiquement avant d’être fondus et réutilisés.
Le solaire pose toutefois question sur le stockage de l’énergie produite. Bertrand Lempokowiocz, directeur de PV Cycle, évoque une amélioration du système de stockage, notamment grâce aux recherches de Tesla. L’entreprise procède à une installation de batteries géantes au lithium pour stocker cette énergie
Mais en analysant la situation, Il faudrait des dizaines de millions de tonnes de batteries. Cela représente approximativement les batteries de millions de véhicules électriques, qu’il faudrait en plus renouveler régulièrement du fait de l’usure due aux cycles de charge-décharge. Le projet serait donc très conséquent, tant sur le plan financier que matériel.
Coût
Un particulier souhaitant intégrer un panneau sur sa toiture devrait prévoir entre 3000 et 4000 euros, selon le fournisseur en énergie Engie.
“Le prix du solaire a néanmoins baissé de 80 % ces 16 dernières années. C’est comme le prix des téléphones : il est en chute libre et désormais n’importe qui peut s’en équiper. Pour donner un ordre d’idée en s’appuyant sur les derniers contrats d’achat, le kWh solaire se négocie actuellement autour de 6,4 centimes en France et 5,8 centimes en Allemagne. Alors qu’une centrale nucléaire de dernière génération comme l’EPR d’Hinkley Point en Angleterre facturera à 21 centime le kilowatt-heure !” Selon Xavier Daval.
Face à la crise environnementale que nous traversons, les panneaux photovoltaïques représentent des alternatives intéressantes à l’exploitation des énergies fossiles. En France, 55 000 tonnes de panneaux solaires ont été posées durant l’année 2016. Un chiffre qui devrait tripler d’ici 2023. Des progrès restent toutefois nécessaires dans la filière de production des panneaux et le stockage de l’énergie solaire. Quatre défis s’imposent donc, l’approvisionnement en matières premières, l’optimisation de la conception des panneaux, le ralentissement de la consommation énergétique et des minerais et le développement du recyclage.